Arnaud Montebourg : « Le protectionnisme est inéluctable »

Publié le par DIDR 33 - la gironde avec Arnaud Montebourg

Les Echos, no. 21097 France, lundi 9 janvier 2012, p. 2
ARNAUD MONTEBOURG DÉPUTÉ DE SAÔNE-ET-LOIRE

 

STEPHANE DUPONT; GUILLAUME TABARD


Le député PS de Saône-et-Loire, troisième homme des primaires socialistes avec 17 % des voix, se livre aux « Echos ».


La TVA sociale peut-elle freiner les importations ?
Diminuer la protection sociale, écraser les salaires pour nous adapter aux pays low cost est insoutenable. C'est ce qu'a fait l'Allemagne il y a quelques années. Ce choix mène à une impasse. Même Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, dit que ce n'est pas un modèle viable sur le long terme. La TVA sociale est une très mauvaise réponse à un vrai problème. Elle est surtout injuste : elle fait porter l’allègement du coût de la protection sociale des entreprises sur les ménages, les retraités et les chômeurs. Après avoir servi les plus favorisés, notamment en allégeant l'ISF, Nicolas Sarkozy veut désormais frapper les plus pauvres avec la TVA.


Que proposez-vous pour lutter contre la désindustrialisation ?
La classe dirigeante française a délaissé l'industrie, abandonnant toute politique industrielle, pour privilégier la finance qui a servi d'autres intérêts que ceux de l'économie réelle. Et les entreprises du CAC 40 ont fait la croissance des autres pays mais pas la nôtre, en se développant d'abord à l'étranger. Le patriotisme industriel a disparu en France. Je me félicite que la classe politique en prenne enfin conscience, que la question du made in France soit devenue centrale. Et je me réjouis que notre candidat François Hollande parle ouvertement de patriotisme industriel.


Que faire concrètement ?
Au sein du couple franco-allemand, on ne peut accepter que nos intérêts vitaux soient sacrifiés sur tous les plans. On ne peut pas perdre, à la fois, sur le terrain monétaire avec un euro-mark surévalué au vu de la spécialisation de notre économie, sur le terrain commercial avec l'absence de protection aux frontières de l'Europe. Il faut avoir le courage de dire que l'Allemagne a réalisé, ces dernières années, ses bonnes performances au détriment des autres pays d'Europe. Il sera inévitable de faire plier la Banque centrale européenne qui, par dogmatisme pro-allemand consistant à refuser de monétiser la dette européenne, se désintéresse de l'économie réelle et impose des plans d'austérité qui aggravent la récession. Si on continue dans cet aveuglement, les peuples se révolteront et éliront des gouvernements extrémistes qui détruiront l'euro. La BCE sera donc contrainte à agir comme toutes les autres banques centrales en rachetant de la dette souveraine.

François Hollande est plutôt discret sur ces questions...
François Hollande, lors d'un déplacement dans mon département de Saône-et-Loire, a récemment insisté sur la nécessité de se protéger contre la concurrence déloyale mondiale. Le protectionnisme européen est devenu inéluctable. Il fait d'ailleurs l'objet d'un quasi-consensus national. Pour mener cette politique, une taxe carbone aux frontières de l'Europe et une taxe lourde sur les transactions financières doivent être introduites. Mais on ne va pas attendre les Vingt-Sept indéfiniment. Il faut que nous puissions les mettre en oeuvre nationalement au plus vite. La France doit pouvoir aussi imposer des restrictions commerciales sur certains produits extracommunautaires ne respectant pas les normes environnementales sans enfreindre les règles commerciales. C'est tout à fait possible juridiquement dans le cadre actuel de l'OMC.


Le candidat socialiste ne parle guère des mesures de lutte contre la spéculation financière que vous réclamiez pendant la primaire...
C'est vrai à ce jour. Mais il s'exprimera fortement sur le sujet dans la campagne. Séparer les activités de banque de dépôt de celles d'investissement est une nécessité impérieuse. Il faut que les banques arrêtent de spéculer et fassent leur travail : financer l'économie réelle. La tolérance que les politiques ont accordée au système financier est aujourd'hui révolue. Il faut inverser la donne : les plans d'austérité doivent être pour le système financier et non plus pour les peuples.


Faut-il renoncer à fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu ?
François Hollande est attaché à réaliser cette révolution fiscale. Elle ne se fera pas en un jour, elle sera étalée dans le temps. Dire que la fusion ne se fera pas est une erreur de présentation. Elle doit être réalisée durant le quinquennat. Et le plus tôt sera le mieux. Je n'ai aucun doute sur le volontarisme de François Hollande en la matière. Il a redit la semaine dernière sur France 2 que la fusion aurait lieu.


Que pensez-vous de l'accord signé entre le PS et les Verts ?
Cet accord se trompe de cible. L'urgence est à la transition énergétique, car les anticipations du réchauffement climatique sont effrayantes. Mais ce qu'il faut organiser, c'est d'abord la sortie du pétrole, pas celle du nucléaire. L'atome est justement l'outil pour assumer cette transition. C'est le moyen d'avancer sur le chemin de la réindustrialisation. Et de passer à une économie post-carbone. L'Europe doit prendre le leadership de la troisième révolution industrielle qui conjuguera les technologies issues d'Internet et les énergies renouvelables quand la seconde combinait l'automobile et le pétrole et la première le chemin de fer et le charbon.


Croyez-vous au risque d'un nouveau 21 avril ?
Le trouble est en effet profond chez les Français parce qu'ils ont le sentiment que la politique a capitulé devant la finance et je vous laisse deviner quel vote cela peut nourrir. C'est pourquoi je plaide avec autant d'insistance pour des mesures volontaires et innovantes en rupture avec les préjugés anciens. Pour ne pas revivre un 21 avril, la gauche doit assumer une forme de radicalité contre les dérives du système financier. C'est ce que j'ai fait durant la primaire et que je continue à faire pour permettre la victoire de François Hollande.

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